Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/207

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et d’autres serviettes partout, se déployant, comme des ailes blanches, avec leur odeur fraîche.

À un moment d’inattention harassée, j’ai entendu le cri séparé d’elle. Un cri qui n’est presque qu’un bruit de chose, un grincement léger. C’est l’être nouveau qui se déchaîne, qui n’est encore qu’un morceau de chair pris dans sa chair — son cœur qu’on vient de lui arracher.

Ce cri m’a troublé tout entier. Moi qui suis témoin de tout ce que les hommes subissent, j’ai senti à ce premier signal humain vibrer en moi je ne sais quelle fibre paternelle et fraternelle.

Elle sourit. « Comme cela a passé vite ! » dit-elle.

Le jour baisse. On se tait autour d’elle. Une simple veilleuse ; le feu qui remue à peine, par moments ; la pendule, cette pauvre, pauvre âme. Presque rien autour du lit, comme dans un vrai temple.

Elle est là, étendue, fixée dans une immobilité idéale, les yeux ouverts dirigés vers la fenêtre. Elle voit peu à peu le soir tomber sur le plus beau de ses jours.

Sur cette masse ruinée, sur cette figure abattue, rayonne la gloire d’avoir créé, une sorte d’extase qui remercie la souffrance, et on voit le monde nouveau de pensées qui s’en élève.

Elle songe à l’enfant grandissant ; elle sourit aux joies et aux douleurs qu’il lui causera ; elle sourit aussi à la sœur ou au frère qui seront.