Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/277

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Il a jeté son chapeau sur le lit en un large geste romantique. Il remplit la chambre de sa présence, de sa pesanteur. Ses pas font crier le parquet. Il est déjà sur elle, et la tient. Si grande qu’elle soit, il la domine de presque toute la tête. Ses traits accentués sont durs et admirables ; sa figure, surmontée d’une lourde chevelure noire, est claire, nette et comme neuve. Des moustaches d’un noir profond, un peu tombantes, ombragent la bouche rouge vif, glorieuse comme une belle blessure naturelle. Il met ses mains sur les épaules de la jeune femme, il la regarde, préparant, ouvrant son étreinte affamée.

Ils se serrent, chancelants… Ils ont dit en même temps un même mot : « Enfin ! » C’est tout ce qu’ils ont dit, mais, pendant un moment, ils ont répété ce mot à demi-voix, ils l’ont chanté. Leurs yeux se disent le doux cri, leurs poitrines se le communiquent. On dirait qu’ils s’attachent avec ce mot et s’en pénètrent. Enfin ! leur longue séparation est finie, leur amour est vainqueur ; enfin, ils sont là tous les deux !… Et je la vois trembler de la nuque aux talons, je vois combien tout son corps l’accueille, tandis que ses yeux s’ouvrent, puis se referment sur lui.

À grand’peine ils essayent de se parler, puis-