Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/298

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la tête, dans le geste naïf des enfants qui ont peur qu’on les voie…

Ils avaient parlé pour moi, et je sentis autour de moi quelque étrange intrigue policière. Puis, tout d’un coup, cette impression dans laquelle mon bon sens s’était totalement affolé, tomba. Évidemment, coïncidence. Mais il resta la vague appréhension qu’on allait s’apercevoir que je savais, me reconnaître.

Ils continuaient à parler de l’idée émise… Insensible à tout le reste, tendu dans l’unique effort de les entendre et de ne pas avoir l’air de les écouter, je m’attachai à leur conversation comme un parasite.

Un des amis du romancier le pria de parler plus en détail de son œuvre. Il consentit… Il allait dire cela avant moi !

Il a raconté le livre qu’il a fait. Avec un art admirable de mots, de gestes et de mimique, avec une élégance spirituelle et vive, et un rire communicatif, il a évoqué devant les yeux de ses auditeurs une suite de scènes imprévues, brillantes, étourdissantes. À la faveur de son original sujet, qui donnait à toutes les scènes tant de relief et d’intensité, il a étalé des ridicules, des travers amusants, multiplié des détails pittoresques et piquants, des noms propres typiques et spirituels, enchevêtré des situations ingénieuses, fait jaillir d’irrésistibles effets, et