Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/36

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le lâche pas : mais mes regards ne peuvent que tomber à ses pieds et qu’effleurer faiblement sa robe, comme les flammes du foyer, les flammes magnifiques et suppliantes, les flammes écorchées, les flammes en lambeaux, qui ruissellent vers le ciel !

Elle s’est enfin montrée profondément.

Pour se déchausser, elle a croisé ses jambes très haut, me tendant le gouffre de son corps.

Elle me faisait voir son pied délicat, emprisonné par la bottine luisante, et dans le bas de soie plus mat, son genou mince, son mollet largement épanoui, comme une fine amphore, sur la gracilité des chevilles. Au-dessus du jarret, à l’endroit où finissait le bas dans un calice blanc et nuageux, peut-être un peu de chair pure : je ne distinguai pas le linge de la peau dans les ténèbres éperdues et l’éclat pantelant du bûcher qui l’assaillait. Est-ce le délicat tissu des dessous, est-ce la chair ? Est-ce rien, est-ce tout ? Mes regards disputaient cette nudité à l’ombre et à la flamme. Le front au mur, la poitrine au mur, les paumes appuyées au mur, impétueusement, pour l’abattre et le traverser, je me torturais les yeux à cette incertitude, essayant, par ruse ou par force, de voir mieux, de voir plus.

Et je me plongeais dans la grande nuit de son être, sous l’aile douce, chaude et terrible de sa robe soulevée. Le pantalon de broderie s’entr’ouvrait en une large fente sombre, pleine d’ombre, et mes regards se jetaient là, et devenaient fous. Et ils avaient presque ce qu’ils voulaient, dans cette ombre ouverte, dans cette ombre nue, au centre