Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/42

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du vestibule, tandis qu’on s’empressait au-devant d’elle. Elle descendait ; sa main si fine, gantée de blanc, sautelait sur la luisante rampe noire, comme un papillon. Son pied pointait en avant, petit et brillant. Elle me parut moins grande que la veille, mais elle était en tout semblable à ce qu’elle était la première fois que je l’aperçus. Sa bouche était si petite qu’il semblait qu’elle la rapetissait. Elle était vêtue en gris-perle, la robe gazouillante… Elle passait, elle s’en allait, elle s’évaporait, parfumée…

Elle m’avait effleuré ; elle aurait pu me voir, à cet instant, mais naturellement, elle ne me vit pas — et pourtant, dans l’ombre de nos chambres, nous avions fait tous deux un seul sourire ! Elle était redevenue la lumière close, sans pitié, que sont les personnes qu’on rencontre au milieu des autres. Il n’y avait pas de mur entre nous ; il y avait l’espace infini et le temps éternel : il y avait toutes les forces du monde.

C’est ainsi que je l’aperçus dans mon dernier coup d’œil — sans bien comprendre, car on ne comprend jamais tout un départ. Je ne la reverrais plus. Tant de grâces allaient se flétrir et se dissiper ; tant de beauté, de douce faiblesse, tant de bonheur, étaient perdus. Elle s’enfuyait lentement, vers l’incertaine vie, puis vers la mort certaine. Quels que fussent ses jours, elle allait vers son dernier jour.

C’est tout ce que je pouvais dire d’elle.

… Ce matin, tandis que le jour est venu autour de moi, donnant à chaque détail une précision