Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/52

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— On dirait que c’est quelque chose qui nous couvrait et qu’on ôte…

Maintenant, il osait plus :

— Voulez-vous que nous nous embrassions sur la bouche ?

Oppressée, elle ne put pas complètement sourire.

— Je veux, dit-elle.

Ils se prirent les bras, les épaules, et se tendirent les lèvres en s’appelant tout doucement, comme si leurs bouches étaient des oiseaux.

— Jean…

— Hélène…

C’est la première chose qu’ils inventaient. Embrasser ce qui embrasse, n’est-ce pas la caresse la plus tendrement petite qu’on puisse trouver et le lien le plus étroit ? Et puis, cela est tellement défendu !…

Il me sembla une seconde fois que leur groupe n’avait plus d’âge. Ils ressemblaient à tous les amants, tandis qu’ils se tenaient les mains, leurs figures toutes jointes, tremblants et aveugles, dans l’ombre du baiser.

Cependant, ils s’arrêtèrent, se détachèrent de la caresse dont ils ne savaient pas encore se servir.

Ils parlèrent, avec leurs bouches toujours aussi innocentes. De quoi ? D’autrefois, de cet autrefois si proche, si court.

Ils sortaient du paradis de l’enfance et de l’ignorance. Ils parlèrent d’une maison et d’un jardin où ils avaient vécu tous deux.

Cette maison les préoccupait. Elle était entourée