Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/53

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par le mur d’un jardin ; de sorte que, de la route, on ne voyait que le haut de son toit, on ne voyait pas ce qu’elle faisait.

Ils balbutièrent :

— Les chambres, quand nous étions petits et qu’elles étaient grandes…

— Les pas y étaient moins fatigants à faire que partout autre part.

À les en croire, il y avait entre ces murs quelque chose de secourable et d’invisible, répandu partout ; quelque chose comme le bon Dieu du passé… Elle murmura un air de musique entendu là-bas, et elle dit que la musique se souvient mieux que les personnes.

Ils étaient retombés dans le passé par la douceur naturelle de leur poids ; ils se pelotonnaient dans le souvenir, frileusement.

— L’autre jour, la veille du départ, une lumière à la main, tout seul, j’ai parcouru l’appartement qui se réveillait à peine pour me regarder passer…

Dans le jardin si soigné et si sage, on ne pensait qu’aux fleurs, et pas beaucoup plus qu’elles. On regardait et on voyait la mare, l’allée couverte, et le cerisier qui, l’hiver, quand la pelouse est blanche, a trop de fleurs.

Hier encore, ils étaient dans ce jardin, comme un frère et une sœur. Maintenant, il semblait que la vie était devenue soudain sérieuse, et qu’ils ne savaient plus jouer. On les voyait qui voulaient tuer le passé. Quand on est vieux, on le laisse mourir ; quand on est jeune et fort, on le tue…

Elle se redressa :