Page:Barbusse - Pleureuses, 1920.djvu/166

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Je t’ai trouvé jadis par une nuit très noire,
Pauvre ange de faiblesse avec ton front lassé,
Et comme je rêvais, je t’ai donné ma gloire,
Et toi, tu m’as donné doucement ton passé.

Mon destin s’appuya sur ta mélancolie
Et depuis que j’ai vu ton regard attristé
Je sens pleurer en moi les choses qu’on oublie,
Les choses de légende et de simplicité.

Je sens que nous allons, perdus dans l’œuvre immense,
Que l’horizon nous garde avec ses bras d’ampleur,
Qu’un vague crépuscule entre dans mon silence,
Et que mon grand génie est comme un grand malheur.

Ton cœur s’est désolé dans mon cœur monotone,
Tu mêlas ta faiblesse à ma fatalité.
Toi qui veux qu’on supplie et qui veux qu’on pardonne,
Tu mis sur mon bonheur le deuil de ta beauté.