Page:Barchou de Penhoën - Histoire de la conquête de l’Inde par l’Angleterre, tome 6.djvu/253

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contrer aucun des marchands européens établis à Rangoon. On craignait qu’ils n’eussent été victimes de quelque catastrophe tragique ; il s’en fallait de peu que cette crainte n’eût été réalisée. À l’approche de la flotte anglaise, tous les étrangers sans exception avaient été saisis, enchaînés, conduits à la maison de douane, puis à la salle de justice. Là, ils furent interrogés par le gouverneur et ses agents, sur l’expédition anglaise, le lieu de son départ, sa force, etc. Parfaitement ignorants de toutes ces choses, ils ne purent donner le moindre renseignement. Le gouverneur ne voulait pas croire à la réalité de cette ignorance. Il les accusait, non seulement d’être instruits de l’arrivée des Anglais, mais de s’être entendus avec eux pour l’attaque de la ville. Les prisonniers protestèrent de leur innocence. Il n’était pas probable, disaient-ils, qu’ils fussent demeurés dans un pays qu’ils eussent su au moment d’être envahi, qu’ils se fussent exposés, en y restant sciemment et de gaieté de cœur, à risquer leur fortune, leur liberté, leur vie peut-être. Ces raisonnements, tout concluants qu’ils fussent, ne touchèrent point le gouverneur. Le pouvoir de ces grands fonctionnaires, dans les provinces éloignées de la capitale, est absolu, tyrannique ; cruels par nature et par habitude, la corruption seule peut parfois arrêter leurs actes de violence capricieuse. Les malheureux Européens n’avaient rien à attendre d’un tribunal semblable ; l’avarice des juges, enflammée par la convoitise, ne