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VI. Cour des Pairs. — Jugemens par Baillis[1].

Voici où en étoient les choses du tems de Beaumanoir[2]. Il y avoit des lieux où l’on jugeoit les affaires par baillis, et d’autres où s’étoient les hommes du fief qui jugeoient. Dans les lieux où le bailli juge, il doit appeler les plus sages du lieu et faire le jugement par leur conseil ; moyennant quoi, en cas d’appel, il est excusé de blâme. Dans les lieux où l’on juge par homme de fief, le bailli n’est pas tenu de juger, à moins qu’il ne soit lui- même homme de fief du Seigneur, moyennant quoi il peut être pair avec les autres.

2° Il paroît que la coutume de juger par bailli étoit nouvelle ; puisque Beaumanoir dit qu’il n’y a pas une seule seigneurie, dans le comté de Clermont, où l’on juge par bailli, et tous les jugemens y devoient être faits par les hommes de fiefs.

3° Il y avoit cette différence que, quand le bailli jugeoit, lorsqu’on appeloit de ce jugement, il ne le soutenoit pas par gages de bataille, mais l’affaire étoit portée au tribunal du Seigneur suzerain ; au lieu que, lorsqu’on jugeoit par hommes de fief, c’est-à-dire par pairs[3]

Il paroit par Beaumanoir, pag. 13 (Extrait, pag. 5), que, même là où on jugeoit par pairs, il y avoit toujours un bailli. Le bailli ne doit point porter devant les pairs toutes les affaires : cela leur seroit trop à charge ; par exemple, celle dont l’usage est connu.

L’usage[4] de juger par bailli put donc aisément s’introduire. Le bailii n’eut qu’à ne plus assembler les pairs, et de (sic) juger les affaires épineuses comme il jugeoit auparavant celles qui ne l’étoient point.

  1. Ce titre est précédé dans le manuscrit de quelques lignes, plus ou moins biffées et ainsi conçues : « Chapitre [24, 28, 29, 30] 29. — [Continuation du même Sujet. — De deux Manières de juger depuis les Etablissemens.] »
  2. En marge : Beaumanoir, Coutumes de Beauvoisis, chapitre 1er, édition de 1690, f°, p. 11. »
  3. En marge : « Vous voyez que le jugement par hommes étoit lié avec le combat judiciaire, et que le jugement par bailli ne l’étoit guère ou point du tout ; à moins, peut-être, qu’on ne reprochât des témoins. »
  4. Cet alinéa est précédé de l’astérisque que Montesquieu mettait en tête des réflexions qu’il écrivait à la suite de quelque extrait d’auteur.