Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/125

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les mêmes, l’usage en a, en quelque façon, adouci la rigueur. De sorte que, comme il est enjoint au curé de chaque paroisse de publier cette loi au prône, s’il a négligé de le faire, les Parlemens prononcent rarement la peine de mort, parce qu’on juge qu’il ne peut pas venir dans l’esprit d’une fille d’aller déclarer elle-même sa honte, et que cela résiste à la pudeur naturelle ; et, s’il ne paroit pas, par les procès-verbaux des chirurgiens ou la déposition des témoins, qu’il y ait cu quelque impression faite sur le corps de l’enfant, je ne sache pas avoir vu condamner à mort la fille, quoiqu’elle n’eût point déclaré au Magistrat sa grossesse.

De quoi est-il question ? Apparemment la Faculté n’a voulu censurer la proposition que dans le cas où elle contiendroit une approbation de l’avortement ou une désapprobation de ce qu’on puniroit l’avortement : ce qui n’est pas ; ou plutôt de ce que, de la proposition, on pourroit induire qu’il est permis aux filles de se faire avorter : ce qui n’est pas encore ; et il n’est pas même question de cela. On ne présume pas que la Faculté de Théologie ait prétendu que la disposition de la loi de Henry II, telle qu’elle est connue, et sans qu’on puisse la modifier, soit tellement nécessaire que le Prince ne puisse la changer, et que la Faculté ait voulu ou pu décider cela, par les raisons que l’on sait. D’ailleurs, n’y a-t-il pas bien de la différence entre approuver un crime, et dire que la peine est trop grande, ou que le crime ne doit pas être puni de cette manière ; qu’il y faut un tel genre de punition, et non pas un autre. Si je disois que le vol ne doit pas être puni de mort, mais du double ou du quadruple, comme chez les Romains, serois-je pour cela censé vouloir approuver le vol ? Ces choses ne sont-elles pas du nombre de celles qui sont laissées à la discussion ordinaire des hommes ! Mais la qualification de la Faculté semble vouloir jeter quelque chose d’odieux sur l’auteur, quand elle dit que la proposition en question est injurieuse au Prince. Les Princes non seulement font les loix, mais encore ils les changent ; et jamais prince n’a désapprouvé qu’on discutât si une loi, bonne dans un tems, pouvoit être changée d’une manière plus avantageuse pour lui. Ce sont des examens qui peuvent être utiles aux hommes. Si les raisonnemens qu’on fait là-dessus ne sont pas fondés, on les laisse. S’ils