Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

s’égare, que l’auteur a dû biffer la protestation généreuse qui terminait le chapitre ix du livre III : « Mais c’est le délire de Machiavel d’avoir donné aux Princes pour le maintien de leur grandeur des principes qui ne sont nécessaires que dans le gouvernement despotique, et qui sont inutiles, dangereux et même impraticables dans le monarchique. Cela vient de ce qu’il n’en a pas bien connu la nature et les distinctions ce qui n’est pas digne de son grand esprit. »

Citons maintenant un morceau curieux sur un sujet très spécial et peu juridique, que ce caractère a fait élaguer peut-être :

« Je ne parle ici que des vaisseaux de commerce. Mais la différence des effets est encore plus grande dans les navires de guerre. Ceux qui sont d’une forme à ne pou- voir naviguer près du vent ne sauraient se présenter comme ils veulent, pour lâcher leur bordée, ni se tourner comme ils veulent, pour éviter celle de l’ennemi. Qu’on se représente deux champions, dont l’un ne peut aller que d’un côté, et l’autre peut attaquer de tous. Ce sont une infinité d’actions subites qui font le succès des com- bats de mer[1]. »

Ce n’est pas à la Censure, ni même à la crainte qu’elle inspirait, qu’on peut attribuer la disparition du fragment qui précède. Pour les réflexions qui vont suivre, il en est tout autrement. Les susceptibilités diplomatiques, ou les craintes d’un gouvernement absolu mais ébranlé, ou encore les méfiances d’une Église dominante aux prises avec les Philosophes, suggérèrent, sans doute possible, plus ou moins directement, les modifications que nous allons signaler.

Qu’auraient dit Génois et Vénitiens d’un passage ainsi

  1. Livre XXI, chap. vi.