Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/39

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Quant au retranchement du livre VIII, il y avait, après le premier alinéa du chapitre xiv : « De nos jours, dans une grande république, le magistrat qui faisait la fonction des deux rois de Lacédémone a été aboli. Les magistrats n’ont plus eu besoin de vertu pour maintenir la république contre ce roi ; ils n’ont plus en besoin de vertu pour se rendre agréables au peuple contre ce roi. On a vu naître en foule les inconvénients, parce que leur constitution n’était point faite pour ce changement ni préparée à ce changement. »

Est-ce à cet alinéa que Montesquieu faisait allusion dans une lettre qu’il écrivait, le 17 juillet 1747, à l’abbé de Guasco ? Il lui annonce qu’il a « jugé à propos de retrancher… le chapitre sur le stathoudérat » provisoirement et pour des raisons politiques. S’il s’agissait là d’un chapitre proprement dit et nouveau, notre auteur se serait pressé singulièrement d’ajouter à son ouvrage les observations que lui inspirait l’élévation si récente de Guillaume IV d’Orange.

Des raisons d’ordre plus intime rendent compte d’une série d’autres suppressions.

C’est un sentiment de modestie qui détermina sans doute au retranchement de cet aveu : « J’ai du plaisir quand je trouve l’occasion de faire voir le rapport que les lois civiles ont avec les lois politiques : chose que je ne sache pas que personne ait faite avant moi[1]. »

La bienveillance native de Montesquieu lui a fait omettre la phrase dédaigneuse où, niant que les Romains honorassent le commerce, il disait : « M. Huet a ramassé et calfeutré tous les passages qui peuvent le faire croire[2]. »

Enfin, c’est par respect pour le génie, même quand il

  1. Livre VI, chap. xv.
  2. Livre XXI, chap. xiv.