Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/43

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inutiles au Prince ont affaibli la liberté dans nos monarchies les commissaires qu’il nomme quelquefois pour juger un particulier, et les lettres qu’il donne pour mettre en prison ceux qu’il juge à propos. » Puis venaient, sur les commissaires, les observations qu’on lit encore dans l’Esprit des Lois. Mais toutes les propositions suivantes, si justes, si modérées, sur les lettres de cachet ont disparu. Heureusement, le manuscrit de La Brède nous a conservé la teneur de cet important morceau :

« Les lettres du Prince qui ordonnent la prison ne sont pas moins étrangères à la monarchie. Mais, comme, dans quelques états, elles sont au nombre des anciens malheurs, si l’on ne veut pas les abolir, on devrait, du moins, chercher à les régler.

» Il faudrait pour cela renoncer au mauvais usage de les donner sur un simple rapport d’un ministre, sans une délibération du Conseil. On devrait exprimer dans les lettres mêmes les motifs qui les ont fait donner ; permettre à celui qui est en prison de présenter une requête au Conseil, pour débattre ces motifs, avec un second rapport fait par un autre ministre ; après lequel, la lettre serait confirmée ou supprimée.

» Elles ne devraient avoir d’effet que pour un an ; après lequel, il faudrait un autre rapport et de nouvelles lettres. Que si l’on trouve des cas où la pratique ordinaire est nécessaire, ils sont si rares qu’il vaudrait beaucoup mieux, quand ils arrivent, violer les règles dont nous parlons que de choquer l’esprit du gouvernement en ne les établissant pas. Lorsque le Prince est offensé, l’exil hors de sa présence et même de sa capitale convient mieux que toute autre peine à l’esprit de son gouvernement et à la majesté de sa personne.

» Les Empereurs romains, qui voulaient se réserver la puissance de juger, firent de cette sorte de lettres un