Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

certaines réflexions d’une psychologie pénétrante sur les changements forcés de religion aient été mises de côté. « Si le gouvernement est modéré, la difficulté n’est pas moindre. Je veux que, dans cet état, les sujets soient peu attachés à l’ancienne religion ; je suppose même que les principaux de la nation n’en aient point du tout. Mais, si, parmi eux, il y a quelque esprit de liberté, ils ne pourront souffrir qu’on veuille leur ôter la religion qu’ils auraient s’ils en avaient une, parce qu’ils sentiront que le Prince, qui peut leur ôter la religion, peut encore mieux leur ôter la vie et les biens[1]. »

Plus explicable encore est le retranchement de quelques considérations sur les vœux monastiques, au chapitre sur les Esséens, dans le livre XXIV. « Les vœux de nos moines ne sont pas proprement moraux ; ils ne le sont que relativement à celui qui les fait. J’aime mieux celui de commander avec modestie, que celui d’obéir exactement ; celui de ne faire tort à personne, quand ce serait pour obéir, que celui d’obéir aveuglément ; celui de fuir tous les gains illicites, que celui de renoncer à son bien ; celui de garder la foi à tout le monde, que celui de ne la point donner, etc.[2]. »

Une suppression qu’exigeait le bon goût, en dehors de toute préoccupation différente, est celle de celle dépèche fictive du roi de Thibet, dont il a été question plus haut. Destinée sans doute, à l’origine, aux Lettres Persanes, elle aurait détonné dans l’Esprit des lois. On la trouvera imprimée au tome Ier des Pensées et Fragments inédits de Montesquieu. Toutefois, le texte du manuscrit que nous étudions ici n’est pas absolument identique à celui qui a été publié. La conclusion en est autrement téméraire, pour ne rien dire de plus.

  1. Livre XXV, chap. xi.
  2. Livre XXIV, chap. ix.