Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/73

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L’adoption[1] est inutile dans les gouvernemens despotiques où il n’y a aucune idée de noblesse. Elle peut être bonne dans ces sortes de gouvernemens républicains où, lorsqu’on n’avoit point d’enfans, on en adoptoit un qui put succéder à la portion du fonds de terre qui étoit donnée à chaque citoyen. Pour lors, on n’adoptoit pas à soi, mais à la République. Elle peut être encore bonne dans le gouvernement monarchique pour soutenir les familles, perpétuer le nom, et maintenir les ordres de l’État. Mais, dans quelque gouvernement qu’on l’établisse, elle y doit être extrêmement restreinte[2].

Il faut, premièrement, que celui qui peut avoir des enfans ne puisse adopter. Cicéron nous apprend[3] que c’étoit l’usage des Romains. A l’égard de l’adrogation, ils appeloient les pontifes pour décider cela.

2° Dans les états où le nombre d’enfans donne quelque privilège, il ne faut pas que les enfans adoptés puissent servir. C’étoit encore l’usage des Romains[4].

3° Dans une république où la constitution est fondée sur un certain nombre de citoyens, il ne faut pas qu’un père de famille puisse adopter un père de famille, parce qu’on ôteroit par là, par une fantaisie ou pour son utilité particulière, un citoyen à la République[5]. C’est pour cela qu’à Rome une pareille adoption ne pouvoit se faire que par une loi du Peuples[6], et, lorsque les Empereurs curent tous les droits du Peuple, ce droit passa aux Empereurs, que l’on ne pût être adrogé que par leurs lettres, quoique cela ne fut fondé sur aucune raison dans la Monarchie[7].

  1. Un renvoi à un alinéa suivant semble indiquer que Montesquieu songeait à supprimer cet alinéa-ci, qui est bordé dans le manuscrit d’un trait à l’encre, et en marge duquel est épinglée une note ainsi conçue : « Oter (je crois) tout ce qui est barré. »
  2. Il y a tel un alinéa bité sur la distinction établie à Rome entre l’adoption et l’adrogation, celle-ci supposant l’intervention du Souverain : « D’où nous est venu l’usage de prendre des lettres du Prince pour prendre le nom et armes, espèce d’adoption parmi nous. »
  3. En marge : « De Domo sita. »
  4. En marge : « Il fut fait là-dessus un sénatus-consulte, dont parte Tacite, Annales, I. 15. »
  5. En marge : « Voy. Gravina, art. 85, 1. 2. »
  6. En marge : « Comitiis euriatis. Voy. Cicéron, De Domo sua. ».
  7. Au dos de ce chapitre est écrit : « Oté du liv. 17 et renvoyé dans les quatre livres. »