Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/91

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prononcé, c’est un grand abus de permettre de recourir à un troisième ; parce que l’esprit de l’Homme est fait de manière qu’il n’aime pas à suivre les idées des autres ; qu’il se porte naturellement à réformer ce qui a été fait par ceux à qui il croit des lumières inférieures. Multipliez les degrés des tribunaux, vous les verrez moins occupés à rendre la justice aux citoyens, qu’à se corriger les uns les autres[1].


V. De la Candeur des Loix[2].

Il faut dans les loix une certaine candeur. Faites pour punir la méchanceté des hommes, elles doivent, elles-mêmes, avoir la plus grande innocence[3].

Les loix qui ont déclaré dans quelques états que tous les sujets étoient de la religion dominante ont été trop loin. Décider que tous les sujets sont d’une religion, c’est déclarer relaps tous ceux qui ne meurent point dans celle religion. Mais il est clair qu’une déclaration étrangère ne peut point rendre un homme relaps : pour être sorti, il faut être entré *.

Il est inutile de dire que les loix ne doivent pas faire de grandes cruautés sans utilité. Nous trouvons dans un fragment

  1. Ce chapitre est une refonte d’un chapitre Intitulé : De la Faculté d’appeler ; en marge duquel est écrite une note ainsi conçue : « Mis au chap. 14 de la Composition des Loix. — Oté. » Dans cette première rédaction, on trouve deux alinéas qui n’ont pas été utilisés dans la refonte, mais qui n’en présentent pas moins quelque intérêt :

    « Il faudroit, de plus, qu’il y eut des peines considérables contre ceux qui ont appelé sans raison, c’est-à-dire qui se sont plaints d’une injustice qu’ils n’ont pas reçue. »

    « Que si la constitution de l’Etat a établi trois degrés de juridiction, comme on ne peut se passer des Juges des lieux, il seroit bon de faire, de trois choses, l’une : ou laisser aux parties la liberté d’omettre le juge intermédiaire ; ou établir que les affaires de petite conséquence seront portées par appel au second tribunal, pour y finir ; ou enfin, de permettre aux seigneurs, dans les états où ils ont le droit du glaive, de racheter le degré intermédiaire : comme font, en France, les Pairs. »

  2. Ce titre n’est pas dans le manuscrit.
  3. Ces deux phrases se trouvent dans l’Esprit des Lois, livre XXIX, chapitre xvi.