Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/108

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Deux Mondes, où Musset a publié presque tout ce qui est sorti de sa plume depuis Namouna. Six mois après, vint la Nuit de décembre. Le poète s’était interrompu pour l’écrire de la Confession d’un Enfant du siècle, qui, dans ses deux derniers tiers—on ne l’a pas oublié,—est une véritable confession, dont la sincérité émut George Sand jusqu’aux larmes. Il ne changea pas de sujet en écrivant la seconde des Nuits, quoi qu’en ait dit Paul de Musset, dont c’est ici le lieu d’expliquer les confusions volontaires. Il avait deux raisons d’altérer la vérité : sa haine contre George Sand, qui l’animait à « diminuer sa part », selon l’expression de quelqu’un qui l’a bien connu ; et le désir légitime d’égarer le lecteur, dans la mêlée de femmes du monde compromises par son frère. La Nuit de décembre faisait la part trop belle à l’héroïne, pour qu’un justicier de cette âpreté pût se résoudre à la laisser à George Sand. Il faut pourtant la lui rendre, sur la foi d’un témoignage qui est pour moi irrécusable.

La première partie de la pièce est un tissu mystérieux de rêves. Le poète se voit lui-même, fantôme aussitôt évanoui, tel que l’a laissé chaque étape du pèlerinage de la vie. La vision paraît et disparaît, comme les songes intermittents des mauvais sommeils. Elle est toujours la même, et toujours diverse ; ainsi l’homme réel se modifie et se renouvelle incessamment.

Soudain, le ton change. Le poète raconte en phrases haletantes la cruelle séparation, et qu’il