Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/112

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au fur et à mesure de ces accents enflammés ; il remplit l’univers de sa divinité et souffle au poète des vers sacrilèges :

    O Muse ! que m’importe ou la mort ou la vie ?
    J’aime, et je veux pâlir ; j’aime, et je veux souffrir ;
    J’aime, et pour un baiser je donne mon génie ;
    J’aime, et je veux sentir sur ma joue amaigrie
    Ruisseler une source impossible à tarir.

    J’aime, et je veux chanter la joie et la paresse,
    Ma folle expérience et mes soucis d’un jour,
    Et je veux raconter et répéter sans cesse
    Qu’après avoir juré de vivre sans maîtresse,
    J’ai fait serment de vivre et de mourir d’amour.

    Dépouille devant tous l’orgueil qui te dévore,
    Coeur gonflé d’amertume et qui t’es cru fermé.
    Aime, et tu renaîtras ; fais-toi fleur pour éclore ;
    Après avoir souffert, il faut souffrir encore ;
    Il faut aimer sans cesse, après avoir aimé.

Le voilà de nouveau parmi ceux dont parle Bossuet, « qui passent leur vie à remplir l’univers des folies de leur jeunesse égarée ». Le châtiment ne se fit pas attendre. Le souvenir de George Sand rentra en maître dans ce cœur ravagé, dont il n’avait jamais été bien éloigné. Qu’il ait eu d’autres maîtresses ne prouve rien. Ce n’est certainement pas le même amour que Musset avait donné à une George Sand, qu’il a distribué ensuite, comme il aurait fait d’un cornet de dragées, à une longue théorie de belles dames et de grisettes.

Ce retour vers le passé produisit la Nuit d’octobre (15 octobre 1837), la dernière de la série et la plus belle, qui éclate et s’apaise comme un orage apporté par les vents, et balayé soudain.