Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/70

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que je n’accusais plus, je demandais pardon ; dès que je ne raillais plus, je pleurais. Alors un délire inouï, une fièvre de bonheur, s’emparaient de moi ; je me montrais navré de joie, je perdais presque la raison par la violence de mes transports ; je ne savais que dire, que faire, qu’imaginer, pour réparer le mal que j’avais fait. Je prenais Brigitte dans mes bras, et je lui faisais répéter cent fois, mille fois, qu’elle m’aimait et qu’elle me pardonnait…. Ces élans du cœur duraient des nuits entières, pendant lesquelles je ne cessais de parler, de pleurer, de me rouler aux pieds de Brigitte, de m’enivrer d’un amour sans bornes, énervant, insensé. » Le jour ramenait le doute, car la divinité n’était qu’une femme, que son génie ne mettait pas à l’abri des faiblesses humaines et qui, comme lui, avait un passé.

Entre les tourmentes, il y avait de beaux et chauds soleils. Musset repentant devenait doux et soumis comme un enfant. Il n’était que tendresse, que respect. Il faisait vivre son amie parmi les adorations, l’exaltait au-dessus de toutes les créatures et l’enivrait d’un amour dont la violence le jetait pâle et défaillant à ses pieds. Il s’est tu, dans sa rage contre lui-même, sur ces accalmies. Il dit : « Ce furent d’heureux jours ; ce n’est pas de ceux-là qu’il faut parler » ; et il passe.

George Sand, elle aussi, se débattait entre une chimère et la réalité. Elle s’était forgé, vis-à-vis de Musset, plus jeune de six ans, un idéal d’affection semi-maternelle qu’elle croyait très élevé, tandis