Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il n’était que très faux. Elle y puisait une compassion orgueilleuse pour son « pauvre enfant », si faible, si déraisonnable, et elle lui faisait un peu trop sentir sa supériorité d’ange gardien. Elle le grondait avec infiniment de douceur et de raison (elle a toujours raison, dans leur correspondance), mais cette voix impeccable finissait par irriter Musset. Il ne réprimait pas un sourire ironique, une allusion railleuse, et l’orage recommençait.

Tous les deux chérissaient néanmoins leurs chaînes, parce que les heures de sérénité leur paraissaient encore plus douces que les mauvaises n’étaient amères. Quelques amis s’étonnaient et blâmaient. De quoi se mêlaient-ils ? George Sand répondait avec beaucoup de sens à l’un de ces indiscrets : « Il y a tant de choses entre deux amants dont eux seuls au monde peuvent être juges ! »

L’automne de 1833 fut coupé par cette excursion à Fontainebleau qu’ils ont tour à tour célébrée et maudite en prose et en vers. Décembre les vit partir ensemble pour l’Italie. Les récits qui ont été faits de ce voyage, et de ce qui l’a suivi, ont si peu de rapport avec la réalité, qu’il faut ici préciser et mettre les dates, afin de rétablir une fois pour toutes la vérité des faits. Les héros du drame—on ne saurait trop le répéter—n’ont qu’à gagner à ce que la lumière se fasse.

Ils s’embarquèrent le 22 décembre à Marseille, firent un court séjour à Gênes, un autre à Florence, et repartirent le 28 (ou le 29) pour Venise, où ils