Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/72

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arrivèrent dans les premiers jours de janvier. George Sand, malade depuis Gênes, prit le lit le jour même de son arrivée à Venise, et y fut retenue deux semaines par la fièvre. Le 28 janvier, elle peut enfin annoncer à son ami Boucoiran qu’elle « va bien au physique comme au moral », mais ce n’est qu’un répit. Le 4 février, elle lui récrit : « Je viens encore d’être malade cinq jours d’une dyssenterie affreuse. Mon compagnon de voyage est très malade aussi. Nous ne nous en vantons pas parce que nous avons à Paris une foule d’ennemis qui se réjouiraient en disant : « Ils ont été en Italie pour s’amuser et ils ont le choléra ! quel plaisir pour nous ! ils sont malades ! » Ensuite Mme de Musset serait au désespoir si elle apprenait la maladie de son fils, ainsi n’en soufflez mot. Il n’est pas dans un état inquiétant, mais il est fort triste de voir languir et souffrotter une personne qu’on aime et qui est ordinairement si bonne et si gaie. J’ai donc le cœur aussi barbouillé que l’estomac. » Musset commençait sa grande maladie.

Les deux amants venaient justement d’avoir leur première brouille, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne se vissent plus. L’album de voyage de Musset, qui existe encore, ne cesse pas un instant de représenter George Sand. On la voit en tenue de voyage, en costume d’intérieur, en Orientale qui fume sa pipe, en touriste qui marchande un bibelot. Sur une page, elle regarde malicieusement Musset à travers son éventail. Sur une autre, elle fume une cigarette avec sérénité, tandis qu’il a le mal de mer. On tourne, on