Page:Barneville - Le Rythme dans la poésie française, 1898.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour le père d’Éloa, ce n’est point du tout sa manière que nos décadents rééditent aujourd’hui. La différence est grande entre les deux systèmes. Chez Vigny, la conception guide et dicte l’exécution. C’est la première qu’il vise pour atteindre la seconde. Pour Vigny, la poésie, c’est le rêve ; c’est, selon le mot de Schérer, « la puissance qui nous affranchit un moment de l’éternelle limite ». Il vécut en sa « tour d’ivoire ». L’expression lui semblait toujours déflorer sa pensée. « L’écriture grossière, disait-il, représente aussi mal la parole que la lente parole représente la pensée ; mais nous devons les bénir jusqu’au jour où nous connaîtrons la langue céleste que rien ici-bas ne nous fait deviner, si ce n’est l’Amour et la Prière[1]. » Il avait

  1. Cité par M. Paléologue, dans son Alfred de Vigny (collection Hachette).