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Huit jours chez M. Renan

la satisfaire, j’ai repoussé de vieux amis et peiné les êtres qui m’étaient le plus chers. J’ai renoncé à un succès certain et immédiat à l’âge où on y trouve réellement de grands avantages. Jusqu’à cinquante ans, je ne me suis jamais couché avant les deux heures du matin. Enfin j’ai abîmé mon estomac ; n’est-ce pas, monsieur, le fait d’un homme passionné ? Pour connaître les origines de notre foi, j’appris l’hébreu, le syriaque et le chaldéen. Ce m’étaient des travaux délicieux, et tels qu’aucune amante n’aurait su comme eux remplir ma vie. Je crois que Don Juan eut un cœur moins ardent que ce petit philosophe que j’étais, sous la froide charmille janséniste de Saint-Sulpice.

« Madame Sand, qui m’aimait beaucoup, me pria un jour au Magny ; elle voulait qu’en dînant je séduisisse son ami Gautier. Nous