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LES PRINCIPAUX THÈMES BOULANGISTES

jours à la disposition du parti radical et que l’opinion, travaillée par la presse populaire, continue à réclamer. À cette date, le général Boulanger n’est pas boulangiste.

Il avait le goût des agents. Très honnête et habitué aux relations hiérarchiques, il aurait pu mal apprécier un Renaudin. Mais, dans ce garçon très allant, il croyait reconnaître un de ces lascars qu’il avait commandés en Afrique et de qui les défauts deviennent des vertus à la guerre. Fréquemment le reporter prenait le train du matin pour arriver à Clermont à cinq heures et demie du soir. La voiture à deux chevaux du Général le conduisait à l’hôtel du commandement, un des plus tristes de France. Vingt minutes, il attendait dans un salon avec les officiers d’ordonnance. Il les connaissait tous, depuis le ministère. Avec un fond de pensées bien différent, eux et lui se sentaient des jeunes gens dévoués au même homme, et puis ce journaliste, ce représentant d’une vie libre, un peu bohème, qu’ils n’estimaient guère, distrayait leur imagination d’exilés. Le Général descendait, en veston, la main tendue, très simple, avec sa belle allure d’homme sûr de sa destinée et avec cette expression à la fois puissante et douce qui donnait tant de charme à sa physionomie. On passait à la salle a manger. Boulanger échauffait immédiatement la conversation et les sympathies en rappelant de sa voix vibrante et gaie les meilleurs « Rochefort » de la semaine, les bons arguments de la Lanterne. Content de se sentir à l’aise, animé par cette cordiale familiarité que créait partout le Général sans cesser d’être le chef, Renaudin rapportait Les derniers mots des couloirs, les tripotages attribués à Rouvier.