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L’APPEL AU SOLDAT

— Cette canaille !

Interrompait Boulanger, qui avait de la netteté dans les épithètes et qui ne pardonnait pas au président du Conseil d’avoir, seul au Parlement, accepté de former un ministère contre lui. Avec une logique simpliste, sans raffiner sa philosophie de l’histoire, il flétrissait « la politique d’aplatissement devant l’Allemagne », qui, disait-il, avait exigé son exclusion des affaires. Enfin il s’enfermait avec Renaudin dans son cabinet où l’on voyait le portrait de Bismarck et le drapeau offert par les Dames de Metz. Ses yeux bleus se fixaient d’une façon plus intense sur le jeune homme, comme pour apprécier sa sincérité, tandis qu’il l’interrogeait sur leurs amis de Paris. En plusieurs fois, pour l’indemniser de ces voyages, des courses qu’il lui demandait, et des brochures de propagande, qui, en réalité, rapportaient de l’argent, il lui donna un millier de francs.

Sa politique consistait à maintenir une telle fermentation qu’on fût obligé de le rappeler. Il ne prétendait pas être un chef de parti ; il cherchait à occuper l’opinion. Il recevait ses plans et ses moyens de chaque journée et de chaque conseiller. Très optimiste, mal à l’aise pour se renseigner parce qu’il employait des éléments opposés ou jaloux, il laissait à ses agents la plus grande initiative. Un Renaudin ne se demande jamais : « Quel type de régime est-ce que je tends à produire ? » Il s’agite. Parfois, conduit par le besoin de faire un article à tapage, le journaliste se lança dans des attaques ou des indiscrétions qui irritèrent le Général.

Ces subalternes, impuissants pour les grands services, peuvent créer des situations inattendues et