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STUREL CHEZ LE SYNDIC DES MÉCONTENTS

pour le chef réunissait ces quatre hommes. Avec les manières d’un mystique et d’un maquignon, Dillon  serra la main des jeunes visiteurs en leur disant :

— Plus vous le verrez, plus vous l’aimerez… Continuez à le défendre.

Renaudin abandonna les papiers qu’il classait. Et d’un accent plus terre à terre :

— Comte, permettez-moi de vous accompagner ; j’aurai deux mots à vous dire, si le Général m’autorise à le quitter.

Et il disparut à la suite du gros homme comme un jeune requin dans le sillage d’un galion.

Sturel se leva, mais Boulanger le retint :

— Que disent vos amis du Quartier latin ?

Le jeune visiteur se souvint de la note de Saint-Phlin, elle lui parut indiscrète et déplacée. Il en fit le plus bref commentaire et la remit au Général qui la posa sous un des obus presse-papier de son bureau. Les quelques réflexions qu’il exprima en réponse, bien que fort prudentes sur le fond, étaient plus nettes, plus assurées, en un mot, d’une sincérité plus certaine que ses déclarations politiques :

— L’objection, disait-il, pour confier à l’armée l’administration des intérêts de l’État, vient d’une méconnaissance de son nouveau caractère national. On se croit toujours en face de prétoriens. Il n’existe pas, il ne doit pas exister de différence entre la nation et l’armée. Dans les règlements que j’ai élaborés, j’ai tendu à mettre ses institutions d’accord avec notre société, à exclure ce qui subsistait d’esprit de caste et de brutalité de caserne. L’armée doit manier les individus de telle façon qu’ils retournent à la vie civile propres à travailler non seulement pour eux--