Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
L’APPEL AU SOLDAT

mêmes, mais pour la collectivité. Elle élève les gens de peu, en les encadrant et en leur donnant l’instruction ; quant aux natures supérieures, qui, laissées à elles seules, nuiraient aussi bien qu’elles serviraient, elle leur apprend leurs responsabilités. Le type légendaire de la « culotte de peau » ne se crée que dans l’inaction d’un café de province. Il faut savoir ce qu’ont fait aux Indes, pour la puissance et la gloire anglaises, les officiers de la Compagnie, tour à tour soldats, géographes, administrateurs, architectes. On affecte d’ignorer la portée d’esprit, la valeur civilisatrice que nos troupes montrèrent en Algérie et dans les expéditions coloniales.

— Ah ! mon Général, dit Sturel émerveillé, si vous aviez pu n’apparaître qu’à la veille des élections de 1889, et d’ici là continuer à servir la France dans l’armée !

— Est-ce donc moi qui ai voulu la quitter ?

Les deux visiteurs crurent reconnaître à son accent amer qu’il regrettait une décision où l’avaient poussé des circonstances et des amis. Et dès ce temps, en vérité, il ressentait de l’humeur contre Georges Thiébaud.

— On n’agit point avec des timidités, continuait-il. Je fais mon devoir de chef en me saisissant, pour atteindre un but national, de tous les moyens légaux.

— Légaux ! dirent railleusement les deux jeunes gens, qui, la seconde d’après, jugèrent Boulanger très fort, parce qu’il ne voulait pas voir leur sourire.

— Je suis sûr, mon Général, que dans, ces lettres-là on ne vous parle pas de légalité, continua Sturel en désignant la formidable correspondance éparse.

— Il y en a de bien bonnes !