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L’APPEL AU SOLDAT

le premier principe, c’est de cacher ce que l’on va faire. Nous voyons clairement le jeu de Boulanger. Il prétend s’inscrire en septembre sur toutes les listes d’opposition et entraîner leur succès dans tous les départements. Eh bien ! substitution du scrutin d’arrondissement au scrutin de liste, interdiction des candidatures multiples, voilà notre riposte. Je suis sûr qu’il n’a pas de contre-riposte prête. Et nous lui réservons d’autres leçons.

Elles préoccupent Boulanger et ses lieutenants. On ressemble très vite à l’objet constant de sa surveillance. À suivre le parlementarisme sur son terrain, à s’accommoder avec ses moyens pour les déjouer, le boulangisme change d’âme. Et dans ce moment où il est amené à une guerre de duplicité, d’alliances, de procédures secrètes, pour laquelle de naissance il ne vaut pas grand’chose, il s’alourdit encore par l’accession de tous les intrigants qu’attire le succès ! Boulanger, toujours jeune, gai et le favori de la fortune, semble pourtant dépaysé. Il ne savait manier que les soldats et les foules : des simples, ou, pour mieux dire, des hommes sociaux, dont on règle les instincts et dont on touche les sentiments en bloc, par des moyens francs. Il lui faut aujourd’hui des compromissions et autant d’expédients que d’individus ! On est un héros, tout en cherchant la popularité ; on ne le demeure pas dans la diplomatie. Admirable par son instinct à créer la légende, il ne sait pas analyser. Magnifique image d’Épinal, il fait au Palais-Bourbon une médiocre figure.

L’élu de Paris, de la France, ne peut plus être un collègue qui fait sentir sa force, mais un homme d’État. Il doit congédier les passions qui l’ont déter-