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UN SOLEIL QUI VA BIENTÔT PÂLIR

miné, négocier avec tous et ne se donner à aucun. Dans ce rôle, Boulanger parait inférieur. Sous une affectation d’imperturbable confiance, il tâtonne. Il apporte dans la politique de l’esprit de décision plutôt qu’un esprit juste. Il se laisse compromettre par ses agents et mener par ses humeurs. Son homme de confiance, le comte Dillon, est dévoué aux intérêts monarchiques, moins par ses opinions que par ses vanités, ce qui constitue le plus étroit des liens. Les éclaboussures d’un journalisme qui chaque jour coule plus immonde et plus impétueux des fonds secrets lui irritent la peau et plus profondément même. Dès lors sa propre personnalité contrarie, dessert les heureuses circonstances qui se succèdent. Pour se consoler du scrutin d’arrondissement qu’il n’a pu empêcher, il favorise la chute de Floquet, que souhaitent précisément Bouteiller et les grands chefs parlementaires (14 février 1889). Par là, il installe Constans au pouvoir (22 février).

Avec un Constans, fort délié, sans scrupules, on ne doit pas créer d’irrémédiable. Cet homme de nuances accepterait de ne pas aggraver d’hostilité personnelle son opposition politique. Le premier des parlementaires, il a distingué le jeune et obscur général Boulanger ; à certain banquet, désignant Georges Laguerre, il a bu aux « continuateurs de notre tâche démocratique » ; cette semaine où Carnot lui confie le ministère de l’intérieur, il suivait des pourparlers avec Lalou pour dîner avec le Général. Sans doute, le nouveau régime ne lui apporterait rien de positif qu’il ne possède déjà du système parlementaire, mais, s’il a confiance dans les chances du révision-