Page:Barrès - La Terre et les morts.djvu/26

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mulé de leurs âmes que par la permanence de l’action terrienne.

Dans cette assemblée où chacun se fait une idée si nette de la patrie, je ne viendrai pas aviver votre sentiment pour le lieu de France où vous êtes né, où peut-être repose la dalle funèbre de vos parents. Pourquoi troubler vos âmes ? Je m’adresse à votre raison, et spécialement à votre raison politique.

C’est en maintenant sous vos yeux les ressources du sol de France, les efforts qu’il réclame, les services qu’il rend, les conditions enfin dans lesquelles s’est développée notre race, forestière, agricole et vigneronne, que vous comprendrez comme des réalités, et non comme des mots, nos traditions nationales, et qu’en même temps vous apprécierez les forces nouvelles qui ont grandi sur notre sol. Pour distinguer ce qu’il y a de nécessaire et partant de légitime dans les aspirations modernes, par exemple chez ceux qui réclament une législation du travail, il est bon que vous voyiez en quoi les conditions d’une France démocratique et industrielle diffèrent des conditions de la France monarchique.

Pour être féconde d’ailleurs, cette connaissance n’a pas besoin d’être réfléchie. Il participe naturellement de la conscience nationale, il est nécessairement d’accord avec les destinées du pays, alors même qu’il ne saurait pas les formuler, celui qui, plongé par son hérédité dans un milieu, en suit insensiblement les évolutions. L’administrateur et le législateur peuvent s’inspirer dans toutes