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LES DÉRACINÉS

rôle dans le journal c’est de disposer Topinion de telle sorte qu’il n’y ait pas de blouses, ou que les blouses ne crient pas. »

À cette alliance entre la « Démocratie et les Napoléon », tout le monde s’employa, approuvant la campagne de l’Avenir national. Trois lettres furent écrites à Thiers, à Gambetta, au prince Napoléon, rédigées par Pierre Denis et que devait successivement publier l’Avenir national. On avait pressenti Thiers qui se montra disposé à une campagne où il ne risquait pas sa personne et qui lui vaudrait de la popularité. Il voulut lire la lettre qu’on lui destinait. Il y fît de légères corrections et promit d’y répondre. Gambetta, inquiet du progrès rapide du courant socialiste, avait traité avec les monarchistes. Laurier, autre Girard, s’était dévoué jusqu’à se donner en gage. On connaît les conditions de Gambetta. Assuré de demeurer rééligible, c’est-à-dire qu’on laisserait de côté le règlement des comptes de la défense nationale, il se contentait du rôle d’un général Foy, d’être le chef des libéraux, c’est-à-dire d’une opposition assurée de dominer même sous la monarchie. On ne lui communiqua pas la lettre publique qu’on devait lui adresser, car l’adhésion de Thiers devait entraîner la sienne.

C’est la lettre au prince Napoléon qui fut tout d’abord imprimée. Admirable morceau d’éloquence ! Portalis la lui porta à neuf heures du soir. Le prince dit : « J’y répondrai. » À dix heures et demie, son officier d’ordonnance apportait la réponse fameuse, adhésion à « une alliance pour soutenir le drapeau tricolore en face du drapeau blanc étranger à la France moderne ». Cette hâte,