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QUINZE JOURS DE CRISE

longtemps que tu travailles. Je te mettrais au courant des choses de la Bourse. Cela te donnerait une distraction en t’occupant au plus deux heures par semaine, c’est-à-dire le temps de donner l’ordre d’achat et de retourner celui de vente. Regarde : le 11 de ce mois, les actions Parisien tramway-nord, étaient cotées 172 fr.50 ; le 19, elles montent à 200 francs ; le 20, elles sont à 250 francs. Eh bien ! le lundi 27, elles sont cotées 237 francs. En admettant que, le 10 ou le 11, tu en aies acheté dix actions, cela t’aurait donc coûté 1,725 francs, plus 10 francs de courtage environ : soit 1,735 francs. Tu aurais pu les revendre à 237 francs, soit 2,370 francs, moins 10 francs environ de courtage. Donc, du 11 au 27, tu aurais pu gagner 2,370 — 1,735 = 625 francs.

« Je compte sur ta lettre ; envoie le plus d’argent possible. »

Et ce n’était pas fini. Il ouvrit la porte et dit à Mouchefrin, à Léontine :

— Venez.

Ils entrèrent, affreux de misère sous la claire lumière d’une splendide matinée de mai.

— Écris, dit-il à la fille ; et il dicta :

« Monsieur Racadot père, votre fils, acquéreur du journal la Vraie République, ne remplit pas les engagements qu’il a contractés vis-à-vis de moi, aux termes d’un acte sous seing privé passé en date du 5 mai 1884. Il m’a versé 30,000 francs, et il reste 10,000 francs qui auraient dû m’être remis le 1er mai. J’ai attendu jusqu’à ce jour, mais maintenant, moi aussi, je suis forcée de remplir des engagements.