Page:Barrucand - La vie véritable du citoyen Jean Rossignol.djvu/407

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n’avait tout au plus que dix-huit pieds de longueur sur douze de largeur. Une garde armée était nuit et jour à l’écoutille et, pour nous permettre de satisfaire à nos besoins naturels, on nous escortait comme de vils criminels.

Cependant le vaisseau naviguait sous la zone torride. Nous étions tellement serrés que le moindre roulis suffisait pour nous entasser les uns sur les autres. L’excessive chaleur nous avait forcés à dépouiller tous nos vêtements ; malgré cela, la sueur sortait de notre corps comme l’eau d’une éponge. Cet excès de souffrance et de honte nous faisait souhaiter la mort.

Un jour d’affreux désespoir, Rossignol, le cœur brûlant de colère, demande obstinément à parler au capitaine, car nous étions décidés à en finir. Le capitaine consent à l’entendre, le fait monter sur le pont bien escorté et lui demande ce qu’il veut : « Nous voulons, répond Rossignol, que vous nous fassiez fusiller tous sur votre bord ! Cette mort sera plus douce que le supplice auquel vous nous avez condamnés ! »

Le capitaine hésite et répond qu’il n’a pas le droit de disposer de notre vie.

« En ce cas, reprend Rossignol, laissez-nous respirer ! »