Page:Barrucand - La vie véritable du citoyen Jean Rossignol.djvu/408

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L’équipage indigné protesta en notre faveur. L’émotion était si grande dans tous les cœurs que l’on fut sur le point d’assassiner le capitaine.

Ce soldat stupide, aussi lâche que cruel, baissa les yeux sous le regard de Rossignol ; il eut recours à toutes les bassesses pour calmer les matelots, et, pour conserver sa vie, il consentit à ne plus compromettre la nôtre : nous eûmes la faculté de monter tous les jours sur le pont, pendant deux heures, quatre par quatre.

C’est en vain que les malheureux qui ont souffert cherchent à effacer de leur mémoire les souvenirs douloureux. Ce capitaine est toujours là. Je me vois toujours dans l’entrepont de ce navire pressé contre mes compagnons[1] !

Et nous étions les citoyens d’un pays libre, et Rossignol était un vainqueur de la Bastille, un des premiers soldats de la Révolution !

Le Bélier aborda, le 3 avril 1802, à Anjouan, l’une des îles Comores. On nous jeta sur la plage pendant la plus forte ardeur du soleil, comme des animaux destinés à peupler les déserts.

Le sol, entièrement découvert dans cette partie, n’offrait aucun abri ; nous étions à trois quarts de

  1. Note de Lefranc.