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et bibliographique.

qu’il dit qu’il a écrit sa vie de mémoire, cela ne peut pas être. Le moyen de s’imaginer que l’on puisse écrire par le seul ressouvenir les choses qu’on a faites et dites jour par jour trente ans auparavant. Ainsi le maréchal, en voulant faire estimer sa mémoire, fait mépriser son jugement. Il nous a dit encore des bagatelles inutiles, à moins que de nous en dire un plus grand détail, que de dire qu’un tel jour il eut une bonne fortune, qu’un autre il s’embarqua avec une dame blonde, qu’un autre il donna à dîner, sans nous dire ni les dames, ni les messieurs, ni les aventures, ni ce qui se passa d’agréable à ces repas, qui sont des choses dont le lecteur peut avoir de la curiosité. Mais avec tout cela les beautés de ses mémoires sont très-grandes et les défauts sont très-petits. S’il s’étoit donné la peine de les relire avec un de ses amis, il auroit ôté les bagatelles ou il les auroit rendues curieuses par les particularités qu’il en auroit dites, comme celle de sa lingère. Quoique cette bonne fortune ne lui fasse pas grand honneur, l’aventure est si extraordinaire qu’on est bien aise de la savoir. Enfin c’est un malheur au cardinal de Richelieu et une tache à sa vie que d’avoir persécuté un aussi galant homme que le maréchal de Bassompierre, et l’on ne peut aimer celui-ci, comme il est impossible de s’en défendre, sans haïr l’autre. »

Mis de Chantérac.