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1613. aout.

de Saint-Luc (aust)[1], et la reine m’avoit donné de grandes esperances pour ce dernier. J’avois prié particulierement, et luy aussy, le marquis d’Ancres de l’assister en cette affaire, et il luy avoit promis et a moy aussy ; neammoins (comme les interets particuliers marchent avant toutes choses), il la fit donner a Mr de Rochefort, a la priere que luy en fit Mr le Prince, et la reine me dit qu’extreordinairement pressée par le dit marquis, elle avoit donné cette charge a Rochefort, bien qu’elle eut esté plus portée pour Mr de Saint-Luc. Le marquis d’Ancres le jour mesme me dit qu’il estoit au desespoir de quoy la reine avoit donné cette charge a Rochefort et qu’il me prioit d’asseurer Mr de Saint-Luc qu’il avoit fait ce qu’il avoit peu en sa faveur, mais que l’autorité de Mr le Prince avoit prevalu ; moy quy sçavois ce que la reine m’avoit dit, luy respondis que quand il voudroit tromper un tiers et m’associer en cette affaire, que je luy ayderois volontiers ; mais que pour tromper mon beau frere, je luy priois qu’il en employat un autre, car je luy estois trop proche ; et en suitte Mr de Saint-Luc luy en ayant tesmoygné un peu de froideur, il se persuada que je luy avois animé et m’en fit la mine ; et en suitte, assisté de sa femme, commencerent a imprimer dans l’esprit de la reine que je faisois vanité de la bonne chere qu’elle me faisoit, et que l’on en parloit : ils luy dirent en suitte que je luy alienois ses serviteurs, et que je mutinois le monde contre elle.

  1. Suivant la correspondance de Malherbe (Œuvres, t. III, pp. 329 et 333), le marquis de Noirmoustier mourut seulement dans les premiers jours de septembre.