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1616. avril.

continuera ses brigues et ses pratiques et tachera d’empieter vostre autorité ou de la partager, et en ce cas vous ne devés point craindre de mettre la plume a la main d’un homme de quy vous tiendrés le bras. »

Il n’eut pas plus tost achevé son discours que Barbins, quy estoit d’ailleurs[1] fort retenu et respectueux, vint assés effrontement (ce me sembla) prendre le bras de la reine qu’il luy serra, et luy dit : « Madame, voila le plus grand conseil et du plus grand personnage que vous sçauriés trouver, auquel il vous faut tenir et n’en point chercher d’autre ; car c’est l’unique que vous pourrés prendre. »

Je m’estonnay de ce subit changement de Barbins, et plus encores quand j’ouïs la reine dire a Mr  de Villeroy : « Veramente, Monsieur de Villeroy, vous m’avés donné un bon conseil, et comme un bon serviteur de l’estat, du roy, et de moy ; aussy m’y tiendray je, et je vous en remercie, » puis se mit a parler d’autres affaires : et je me retiray dire a ces messieurs quy m’attendoint cheux moy qu’ils vinssent parler a la reine au sortir de sa messe, laquelle les contenta au dela de leurs propres desirs : et apres, la reine ayant tenu un grand conseil ou nous assistames, comme Mr  de Villeroy eut fait sa proposition que chascun trouvoit n’estre recevable, la reine sans en attendre ny faire demander les opinions, nous dit :

« Messieurs, sy j’ay jusques a cette heure contesté, debattu, ou refusé plusieurs articles quy m’ont esté

  1. D’ordinaire.