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journal de ma vie.

rien a craindre de l’autre rive, l’ordre de la guerre vous obligeant d’y faire passer deux mille hommes pour investir la ville par dela l’eau, quy passeront aysement sur la vanne du moulin que l’on voit d’icy et que la ville ne peut voir ; et en faisant tost apres rompre cette vanne quy fait tenir la riviere devant la ville en quelque hauteur, elle sera sy basse avant qu’il soit nuit, qu’a peine nos soldats en la passant s’y mouilleront la cheville du pié ; et en suitte de cela on peut cette nuit prochaine faire passer deux canons et les mettre en batterie a quattre cens pas de la ville sur le bord de la riviere : ce que je m’offre d’executer, sy vous me voulés faire l’honneur de me le commettre, et de gaigner cette mesme nuit les petits compartimens (pour ne dire dehors), que les ennemis ont faits depuis la rive jusques a un des deux ravelins revestus quy font teste dans la vallée ; puis demain, avec vingt canonnades ayant levé ces chestives deffenses de cette piece jointe a l’eau, faire venir sapper et ouvrir la simple muraille de la ville, quy est le long de la riviere, et ce sans autre empeschement que de ceux quy me pourront tirer de dessus le pont, lequel sera aujourdhuy mesme gaigné par les nostres quy passeront de l’autre costé, ou au pis aller sera coupé en quattre coups de canon, et divisé de la ville. Ainsy, en trois jours au plus tard, nous prendrons Saint Antonin, sy des le premier ils ne se rendent a la mercy du roy.

« Voylà, Monsieur, le conseil que je vous donne, et celuy qu’a mon avis vous devés prendre, et rejetter absolument l’opinion generale de ces messieurs, quy est de faire l’attaque par la teste de la vallée, lesquels, je m’asseure, reviendront a la mienne quand ils auront