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1622. juin.

plus meurement consideré les inconveniens quy se rencontrent en la leur. Je ne dis pas qu’en la suyvant l’on ne prenne Saint Antonin quy n’est pas capable de resister contre une armée royale et victorieuse comme la nostre, sy bien de l’arrester quinse jours sy ceux de dedans se veulent bien deffendre, et vous y faire consumer forces munitions de guerre, quy seroint plus necessaires ailleurs, y employer du temps quy est bien cher aux presens desseins du roy, et y perdre forces bons hommes quy vous feront besoin dans le bas Languedoc. Car en attaquant la ville par la vallée, vous maschés et digerés lentement un siege que vous pouvés engloutir et devorer en trois jours, et faites ce que vos ennemis desirent. C’est, Monsieur, une bonne maxime de guerre que de fuir la pointe de l’espée de l’ennemy et d’en chercher le foible pour la lier et s’en rendre maitre. Il ne faut jammais attaquer le bœuf par les cornes ; car c’est son fort et son avantage, et a Saint Antonin aussy[1] : et ne demeure pas d’accord avec Mr  de Marillac quy vous debite que le lieu le plus foible d’une ville est celuy ou les ennemis font le plus de fortifications. Cela peut estre vray auparavant que de l’avoir fortifiée ; mais apres c’est d’ordinaire le plus fort. Et nous voyons clairement de ce lieu une corne fort avancée en estat de deffense, avec un retranchement par le millieu, que j’appelle une seconde corne ; deux pieces revestues aux deux costés, quy la flanquent et la commandent, et de plus la contrescarpe de la ville quy la deffend. Tout cela nous donnera bien de la peine s’il y a de braves hommes là dedans, que

  1. Jeu de mots sur les cornes qui défendaient Saint-Antonin.