Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/130

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de les confier à des subalternes qui peuvent risquer la désobéissance dans l’espoir d’un plus grand avantage ; c’est de là que dépendent les dignités, les biens, la vie des mandataires du despotisme arbitraire et déréglé. Dans cet état il seroit absurde pour eux d’examiner si le souverain, si les peuples ont un intérêt commun. Que leur serviroit de le connoître ? Conformes ou non à cet intérêt commun, il faut que les ordres absolus s’exécutent, c’est l’intérêt unique et véritable de ceux auxquels ils sont confiés. Inutile et absurde d’examiner s’il est un ordre naturel prescrit par la raison, pour la propagation et le bien-être de l’espece humaine sur la terre. Conformes ou non à cet ordre naturel, il faut que les commandements arbitraires soient obéis. Inutile et absurde d’examiner s’il y a une loi naturelle, une justice par essence, une regle éternelle immuable du bien et du mal moral. Conformes ou non à cette regle, à cette loi, à cette justice, il faut que toutes les volontés soient accomplies. Ignorer absolument, oublier ou se dissimuler la loi naturelle de la justice par essence, l’ordre naturel de la bienfaisance universelle, les intérêts du souverain et des sujets ; c’est la nécessité à laquelle sont réduits les agents subalternes de tous les grades dans le despotisme arbitraire : leur existence entiere dépend trop souvent de leur exactitude à les violer. Ils ont par conséquent un autre intérêt, c’est celui de les faire méconnoître au peuple sur lequel ils doivent dominer. L’idée de justice essentielle, d’ordre bienfaisant et conservateur, de véritable intérêt commun, est tellement inconciliable avec celle du commandement arbitraire et de l’obéissance purement passive, qu’on ne peut établir l’une qu’en détruisant l’autre. Tout est bien lorsqu’il est commandé, tout est mal quand il est défendu, tout est indifférent quand aucun ordre ne le caractérise en bien ni en mal : voilà nécessairement le code universel du despotisme arbitraire. Ainsi le pouvoir de l’oppresseur universel, qui n’a d’autre titre que la force, est lui-même dans un continuel danger, parceque les efforts des hommes qu’il tient armés pour asservir son troupeau, peuvent sans cesse ou devenir impuissants contre la multitude, ou se tourner contre lui-même. Ce point de vue menaçant que l’histoire de cent et cent révolutions