Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/131

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fatales rend encore plus sensible, excite nécessairement la défiance universelle qui constitue d’une part tous les mandataires du despotisme arbitraire de degrés en degrés en un véritable état de guerre, de division, d’opposition continuelle entre eux-mêmes, et qui les nécessite d’autre part à se tenir sans cesse vis-à-vis des peuples comme des ennemis en présence. Car enfin les divisions les plus marquées, les oppositions les plus inconciliables, les animosités les plus vives, et les guerres les plus envénimées entre les hommes, ne peuvent pas avoir d’autre motif ni d’autre effet plus funeste que de faire dépendre les propriétés foncieres ou mobiliaires, la liberté personnelle et la vie des uns de la force et de la fantaisie des autres. Il ne faut pas en excepter le despote arbitraire lui même qui paroît opprimer seul tous les autres ; il n’est évidemment, dans la réalité, que l’esclave de l’opinion et de la volonté des principaux chefs qui dirigent la force prédominante, par laquelle est opprimée la multitude éparse et désarmée : la moindre circonstance, la moindre fantaisie peut les décider contre sa personne ; alors, s’ils ont assez de bonheur et d’habileté, le despote arbitraire est sacrifié comme le dernier des hommes. Combien n’en est il pas d’exemples dans l’histoire ! Jamais on ne fera prononcer à la raison humaine que ce soit l’intérêt des hommes d’être réduits à cette cruelle dépendance de la force et de la fantaisie d’autrui. On peut constituer l’homme qui sent et qui pense dans un tel état de périls menaçants, qu’il choisisse par sagesse entre les violences de son oppresseur, celles qui lui paroissent les plus supportables, qu’il les souffre par prudence, mais en se réservant toujours tacitement de les adoucir, et de les repousser par l’adresse ou par la force aussi-tôt qu’il le pourra, sans s’exposer à de plus fortes peines, aussi tôt qu’il se sentira le courage d’affronter les plus extrêmes dangers. Mais il faudroit trop de forces combinées, trop d’attentions continuelles, trop de moyens infaillibles pour contenir en cet état une multitude immense d’hommes instruits, prenant seulement patience, et attendant l’occasion de jouir de leur droit naturel. Il est donc plus simple d’abrutir cette multitude, afin qu’elle ne connoisse aucun moyen de sortir de l’oppression, qu’elle n’ait pas même le loisir de réfléchir sur son état ; car espérer qu’on persuadera