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lante que les couleurs de la Chine et de l’Inde, et tous d’une coupe plus pure et plus décidée que des objets de marbre ou de cristal ? Quiconque aime la poésie les sait par cœur.


VI

J’ai essayé (ai-je vraiment réussi ?) d’exprimer l’admiration que m’inspirent les œuvres de Théophile Gautier, et de déduire les raisons qui légitiment cette admiration. Quelques-uns, même parmi les écrivains, peuvent ne pas partager mon opinion. Tout le monde prochainement l’adoptera. Devant le public, il n’est aujourd’hui qu’un ravissant esprit ; devant la postérité, il sera un des maîtres écrivains, non-seulement de la France, mais aussi de l’Europe. Par sa raillerie, sa gausserie, sa ferme décision de n’être jamais dupe, il est un peu Français ; mais s’il était tout à fait Français, il ne serait pas poëte.

Dirai-je quelques mots de ses mœurs, si pures et si affables, de sa serviabilité, de sa franchise quand il peut prendre ses franchises, quand il n’est pas en face du philistin ennemi, de sa ponctualité d’horloge dans l’accomplissement de tous ses devoirs ? À quoi bon ? Tous les écrivains ont pu, en mainte occasion, apprécier ces nobles qualités.

On reproche quelquefois à son esprit une lacune à