Page:Baudelaire - L'Art romantique 1869.djvu/198

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l’endroit de la religion et de la politique. Je pourrais, si l’envie m’en prenait, écrire un nouvel article qui réfuterait victorieusement cette injuste erreur. Je sais, et cela me suffit, que les gens d’esprit me comprendront si je leur dis que le besoin d’ordre dont sa belle intelligence est imprégnée suffit pour le préserver de toute erreur en matière de politique et de religion, et qu’il possède, plus qu’aucun autre, le sentiment d’universelle hiérarchie écrite du haut en bas de la nature, à tous les degrés de l’infini. D’autres ont quelquefois parlé de sa froideur apparente, de son manque d’humanité. Il y a encore dans cette critique légèreté, irréflexion. Tout amoureux de l’humanité ne manque jamais, en de certaines matières qui prêtent à la déclamation philanthropique, de citer la fameuse parole :

Homo sum ; nihil humani a me alienum puto.

Un poëte aurait le droit de répondre : « Je me suis imposé de si hauts devoirs, que quidquid humani a me alienum puto. Ma fonction est extra-humaine ! » Mais sans abuser de sa prérogative, celui-ci pourrait simplement répliquer (moi qui connais son cœur si doux et si compatissant, je sais qu’il en a le droit) : « Vous me croyez froid, et vous ne voyez pas que je m’impose un calme artificiel que veulent sans cesse troubler votre laideur et votre barbarie, ô hommes de prose et de crime ! Ce que vous appelez indifférence n’est que la résignation du désespoir ; celui-là ne peut