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ANNAT.

et que les siècles à venir puissent juger de celles que nous voyons. Pour en bien juger, il ne faut point avoir égard à ce principe : Il n’y a point d’apparence que si cela eût été visiblement faux, on eût osé le publier.

Ce sera, sans doute, l’utilité principale de cette remarque ; car, au reste, les réflexions ou les censures les mieux fondées seront toujours inutiles pour arrêter la plume de cette espèce d’écrivains. On a si peu profité de l’indignation des honnêtes gens contre l’historien fabuleux et satirique du père la Chaise, que cinq ans après on a mis au jour un autre ouvrage pire que celui-là. C’est depuis le commencement jusqu’à la fin un tissu de fables grossières, et d’aventures chimériques, racontées avec la dernière impudence, et avec un style tout farci de saletés. Voici le titre de ce bel ouvrage : Histoire des intrigues amoureuses du père Peters, jésuite, confesseur de Jacques II, ci-devant roi d’Angleterre, où l’on voit ses aventures les plus particulières, et son véritable caractère, comme aussi les conseils qu’il a donnés à ce prince touchant son gouvernement. À Cologne, chez Pierre Marteau le jeune, marchand libraire, 1698. Pendant qu’il se trouvera des gens qui achèteront avec plaisir ces sortes de livres, il y aura des libraires qui en paieront la composition et l’impression, et, par conséquent, il y aura des personnes assez malhonnêtes pour consacrer à cela leur plume vénale. Le mal est donc sans remède.

(C) Le père Annat a fait un fort grand nombre de livres. ] Ses traités latins, publiés en divers temps, furent recueillis en 3 volumes in-4o., et imprimés à Paris, chez Cramoisi, l’an 1666. Le Ier. contient l’ouvrage de Scientiâ mediâ contra novos ejus impugnatores, unâ cum Exercitatione scholasticâ sub nomine Eugenii Philadelphi, et Appendice ad Guilhelmum Camerarium. Le lIe. contient l’ouvrage qui a pour titre : Augustinus à Bajanis, hoc est Jansenianis vindicatus. On trouve dans le IIe. les traités suivans : Catholica Disputatio de Ecclesiâ præsentis temporis ; de incoactâ Libertate contra Novum Augustinum Yprensis Episcopi, Vincentium Lenem, Apologistam Jansenii, et Commentatorem quinque Propositionum ; Informatio de quinque Propositionibus ex Theologiâ Jansenii collectis, quas Episcopi Galliæ Romano Pontifici ad censuram obtulerunt ; Jansenius à Thomistis gratiæ per se ipsam efficacis defensoribus condemnatus ; Cavilli Jansenianorum contra latam in ipsos à Sede Apostolicâ sententiam, seu Confutatio libelli trium Columnarum [1]. Voilà cinq traités dans le IIIe. volume, qui sont précédés de quelques avertissemens au lecteur, et de quelques notes sur le journal de Saint-Amour. Voici quelques-uns des livres français : Réponse au livre qui a pour titre, Théologie morale des jésuites ; Réponse à quelques demandes touchant la première lettre de M. Arnaud ; la Bonne Foi des jansénistes dans la citation des auteurs ; Recueil de plusieurs faussetés et impostures contenues dans le Journal de tout ce qui s’est passé en France sur le sujet de la Morale et de l’Apologie des casuistes [2] ; Remèdes contre les scrupules qui empêchent la signature du Formulaire ; Remarques sur la conduite qu’ont tenue les Jansénistes dans l’impression et dans la publication du Nouveau Testament, imprimé à Mons ; la Doctrine de Jansénius contraire au saint siège apostolique et à saint Augustin. Je laisse le titre de quelques autres : on le trouvera dans le père Sotuel. Mais, pour le dire en passant, lui et son prédécesseur Alegambe ont oublié une chose qu’il ne fallait pas omettre. Ils devaient toujours rapporter le titre des livres dans la langue dont l’auteur s’était servi, et puis le traduire en latin. On éprouve tous les jours chez les libraires que si l’on demande certains livres, non par leur titre, mais par le sens de leur titre, on s’en retourne sans les trouver, quoiqu’ils soient dans les magasins ou dans la boutique des libraires. Au reste, quelque vieux que fût le jésuite Annat, pendant le grand feu de la guerre des Jansénistes, au sujet de la signature du formulaire, et touchant la version de Mons, il ne laissait pas de publier plusieurs petits livres in-4o.

  1. Il y a dans le père Sotuel Calumniarum.
  2. Les curés de Paris firent l’Apologie de ce Journal, dans leurs VIII et IXe. Écrits.