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ANTONIA.

des critiques ; pourvu qu’on le garde dans son coffre. 10o. M. Aquilius n’était pas déjà condamné lorsqu’Antoine entreprit sa cause. 11o. Les juges n’avouèrent point que celui qui avait si souvent exposé sa vie pour le salut de la république ne devait pas la perdre avec tant de déshonneur. Si M. Moréri avait su qu’Aquilius n’aurait été condamné tout au plus qu’au bannissement [1], il n’eût pas donné à son style les couleurs de l’art oratoire. 12o. Quelle confusion n’est-ce pas que de dire que Marc Antoine fut consul, censeur en 626 de Rome avec A. Posthumius, en 655 avec L. Valerius, etc. ? Il y a pis que confusion là-dedans : les faussetés n’y manquent pas. Marc Antoine fut consul avec A. Posthumius Albinus, l’an 655, et censeur avec L. Valérius Flaccus, l’an 653 [2].

  1. Quùm mihi M. Aquilius in civitate retinendus esset. C’est Marc Antoine qui parle dans le IIe. livre de Cicéron, de Oratore, cap. XLV.
  2. Plinius, lib. VIII, cap. VII. Sigonius et Calvisius mettent ce consulat à l’an 654, et la censure deux ans après.

ANTONIA, fille aînée de Marc Antoine (A) et d’Octavie [a], fut une dame que sa vertu et sa beauté rendirent un objet d’admiration [b]. Elle épousa Drusus, fils de Livie et frère de Tibère, et en eut beaucoup d’enfans [c] ; mais il n’y en eut que trois qui survécurent à Drusus ; savoir, Germanicus, Claude qui a été empereur, et Liville qui fut femme du fils de Tibère. Antonia, jeune et belle encore dans son veuvage, fut recherchée par de grands partis. Elle les refusa tous, et fut un exemple de continence (B) d’autant plus beau, qu’elle vivait dans une cour extrêmement corrompue. Tibère, dont l’humeur était si farouche, respecta beaucoup cette dame ; ce qui montre qu’elle avait su joindre à sa chasteté une autre vertu qui était un peu inconnue à la chaste Agrippine sa belle fille ; je veux dire, la douceur et la prudence. Ce fut Antonia qui découvrit à Tibère les machinations de Séjan (C) : ce prince ne fut point ingrat après un service de cette importance [d]. Pline nous apprend une chose tout-à-fait singulière d’Antonia, c’est qu’elle ne cracha jamais [e]. Il dit aussi qu’elle aimait fort tendrement un poisson, et qu’elle lui fit porter des pendans d’oreille ; ce qui était cause que plusieurs allaient exprès dans sa maison de plaisance pour voir cette rareté [f]. Cette dame fut malheureuse dans sa famille. À la vérité, Germanicus son fils eut toutes les perfections que l’on pouvait souhaiter dans un héritier présomptif de l’empire, et il était l’amour et les délices de tout le peuple romain ; mais cela même mit le comble à l’affliction d’Antonia, lorsqu’une mort précipitée lui enleva ce jeune prince. Cette mère désolée ne fut pas en état de mener le deuil quand on fit les funérailles de Germanicus (D). Son autre fils lui était si désagréable, et lui paraissait si bête, qu’elle le traitait de monstre (E) et d’ébauche d’homme, et qu’elle en faisant un sujet de comparaison

  1. Elle était sœur d’Auguste.
  2. Σωϕροσύνῃ καὶ κάλλει περιϐόητον. Castitate et formâ inclytam. Plutarch. in Anton., pag. 955. E.
  3. Suet, in Claud., cap. I.
  4. Joseph. Antiq., lib. XVIII, cap. VIII, pag. 632, C.
  5. Plinius, lib. VII, cap. XIX.
  6. In eâdem villâ (apud Baulos, in parte Baïanâ) Antonia Drusi murænæ quam diligebat inaures addidit : cujus propter famam nonnulli Baulos videre concupiverunt. Plinius, lib. IX, cap. LV.