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ANTONIA.

silii, Antoniæque jam antè habitæ in pretio majorem etiam in posterum idem habuit per omnia. Je dirai ailleurs [1] que Xiphilin a observé par occasion qu’Antonia écrivit certaines choses à Tibère touchant Séjan.

(D) Elle ne fut pas en état de mener de deuil des funérailles de Germanicus. ] Voyons comment Tacite narre la chose, et comment il la pare de ses réflexions : Tiberius atque Augusta publico abstinuêre, inferius majestate suâ rati si palàm lamentarentur, an ne omnium oculis vultum eorum scrutantibus falsi intelligerentur. Matrem Antoniam non apud auctores rerum, non diurnâ actorum scripturâ reperio ullo insigni officio functam, cùm super Agrippinam, et Drusum et Claudium, cæteri quoque consanguinei nominatìm perscripti sint, seu valetudine præpediebatur, seu victus luctu animus magnitudinem mali perferre visu non toleravit. Faciliùs crediderim Tiberio et Augustâ qui domo non excedebant cohibitam, ut par mæror et matris exemplo avia quoque et patruus attineri viderentur [2].

(E) Elle traitait son second fils de monstre. ] C’est Suétone qui nous l’apprend. Mater Antonia portentum eum hominis dictitabat, nec absolutum à naturâ, sed tantùm inchoatum ; ac si quem socordiæ argueret, stultiorem aïebat filio suo Claudio [3]. À cela peut-on connaître qu’elle se piquait d’esprit et d’habileté ; car une femme du commun ne s’aperçoit pas que ses enfans soient des sots ; ou si elle s’en aperçoit, elle ne prend pas les devans avec un si grand dépit, pour s’en disculper, et pour traiter cela d’une production qui a été négligée à moitié faite.

(F) Elle enferma sa fille dans une chambre, et l’y laissa mourir de faim. ] Ceci témoigne encore que c’était une maîtresse femme, qui n’aimait ses enfans qu’autant qu’ils lui faisaient honneur, et qui préférait aux sentimens de la nature ceux de la grandeur romaine. Il y avait deux traditions touchant la mort de Liville : l’une, que Tibère la fit mourir ; l’autre, qu’il lui pardonna son crime, pour l’amour d’Antonia ; mais qu’Antonia la condamna à mourir de faim [4].

(G) Caligula la fit mourir de chagrin : on a dit même qu’il employa le poison pour hâter les mauvais effets du chagrin. ] Suétone et Dion s’accordent sur ce point-là. Per istiusmodi indignitates et tædia caussa extitit mortis, dato tamen, ut quidam putant, et veneno [5]. Dion ne parle pas d’empoisonnement : il se contente de dire que ce barbare, ne pouvant souffrir les censures de sa grand’mère, l’obligea à mettre fin à ses jours [6]. Je n’ai pu trouver en quelle année mourut cette illustre dame ; mais puisque ce fut sous l’empire de Caligula, on peut, ce me semble, placer sa mort à l’an 792 de Rome. Celle de son mari arriva l’an 744. On peut savoir à peu près à quel âge elle commença d’être veuve, et combien elle a vécu ; car elle naquit l’an 714 de Rome, vu qu’Octavia sa mère, qui épousa Marc Antoine, l’an 713 [7], était déjà accouchée d’une fille, lorsqu’il retourna en Grèce l’année suivante [8]. Le poëme intitulé Consolatio ad Liviam Augustam de morte Drusi Neronis [9], représente Antonia fort désolée, et lui donne de beaux éloges. On apprend là, comme dans Valère Maxime, que Drusus n’allait pas à la picorée amoureuse. On y apprend que ses dernières paroles furent pour sa chère femme :

Quid referam de te, dignissima conjuge Druso,
Atque eadem Drusi digna parente nurus ?
Par benè compositum, juvenum fortissimus alter,
Altera tam forti mutua cure viro.
Femina tu princeps, tu filia Cæsaris : illi,
Nec minor es magni conjuge visa Jovis.
Tu concessus amor, tu solus et ultimus illi,
Tu requies fesso grata laboris eras.
Te moriens per verba novissima questus abesse,
Et mota in nomen frigida lingua tuum.

(H) Le temple d’Antonia, dont Pline est le seul qui parle, devait ap-

  1. Dans l’article Vespasien, à la remarque (F).
  2. Tacit. Annales, lib. III, cap. III, ad ann. 773 ; c’était l’an 20 de grâce.
  3. Suet., in Claudio, cap. III.
  4. Dio, lib. LVIII.
  5. Sueton., in Caligulâ, cap. XXIII.
  6. Dio, lib. LIX. Vide etiam Sueton., in Caligulâ, cap. XXIX.
  7. Calvisius, ad ann. mundi 3910.
  8. Plut., in Antonio, pag. 930, E. Voyez aussi pag. 931. D.
  9. Consol. ad Liv., vs. 299 et seqq. On l’imprime avec les Œuvres d’Ovide, et plusieurs le croient d’Ovide.