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ANTONIA.

d’années. Drusus, en qualité de grand parti, eut apparemment le choix, et sans doute il prit la plus belle des deux sœurs, soit qu’elle fût l’aînée, soit qu’elle fût la cadette.

(B) Antonia, jeune et belle encore dans son veuvage,.... fut un exemple de continence. ] Ce que l’on dit de son mari est encore plus surprenant : c’est qu’il garda la foi conjugale : Drusum etiam Germanicum eximiam Claudiæ familiæ gloriam, patriæque rarum ornamentum, et quod super omnia est operum suorum pro habitu ætatis magnitudine, vitrico pariter ac fratri Augustis, duobus reipublicæ divinis oculis mirificè respondentem, constitit usum Veneris intra conjugis [1] charitatem clausum tenuisse [2]. Qu’à la cour d’Auguste le beau-fils de l’empereur se soit contenté de son ordinaire comme un bourgeois, c’est assurément un cas singulier : et il ne servirait rien de dire qu’Antonia était si jeune et si belle, que Drusus n’aurait su où aller pour trouver mieux. Combien y a-t-il de princes, de grands seigneurs, et d’autres gens pour qui cette raison est tout-à-fait fausse ? Mais revenons à Antonia. Voici comment Valère Maxime continue son discours : Antonia quoque femina laudibus virilem familiæ suæ claritatem supergressa amorem mariti egregiâ fide pensavit : quæ post ejus excessum formâ et ætate florens cubiculum socrûs pro conjugio habuit, in eodemque toro alterius adolescentiæ vigor exstinctus est, alterius viduitatis cxperientia consenuit. La chasteté d’Antonia a trouvé des panégyristes dans la Judée. Josephe mérite d’être ouï : il nous apprend qu’Auguste sollicita cette dame à se remarier ; mais qu’elle persista dans le dessein de n’en rien faire, et qu’elle conserva dans son veuvage toute sa belle réputation. Voilà où est la rareté ; car on trouve assez de grandes dames qui vivent séparées de leurs maris, ou qui ne se remarient point, quoiqu’on les recherche ; mais vivent-elles sans reproche, ne font-elles point parler de leurs commerces, et de leurs galanteries ? C’est là le point : hoc opus, hic labor est. Il y a des médisans qui prétendent qu’il s’en trouve qui pratiquent ce que l’on accuse Luther d’avoir permis aux maris. Si nolit uxor, disait-il, veniat ancilla. On tourne ici la médaille, si nolit, si desit maritus, veniat famulus. On a malentendu les paroles de Luther. Voici les paroles de Joseph touchant Antonia : Τιμία δ᾽ ἦν Ἀντωνία Τιϐερίῳ εἰς τὰ πάντα συγγενείας τε ἀξιώματι, Δρούσου γὰρ ἦν ἀδελϕοῦ τοῦ αὐτοῦ γυνή, καὶ ἀρετῃ τοῦ σώϕρονος, νέα γὰρ χηρεύειν παρέμεινεν γάμῳ τε ἀπεῖπεν τῷ πρὸς ἕτερον, καί περ τοῦ σεϐαςοῦ κελεύσαντός τινὶ γαμεῖσθαι, καὶ λοιδοριῶν ἀπηλλαγμένον διεσώσατο αὐτῆς τὸν ϐίον. [3]. Antonia in magno honore habebatur apud Tiberium, vel propter affinitatem quòd Drusi fratris uxor fuerat, vel propter continentiam, quòd florente etiam tum œtate vidua recusârit alteras nuptias, licet hortante Augusto ad iterandum conjugium, in eoque vitæ genere ommen caverit infamiam.

(C) Ce fut Antonia qui découvrit à Tibère les machinations de Séjan. ] Il y a beaucoup d’apparence que Tacite avait étendu ce fait ; mais par malheur cette partie de ses Annales est perdue. Josephe, si je ne me trompe, est le seul historien qui nous apprenne la part qu’eut Antonia à la découverte de cette conspiration. Il est digne d’être cru, parce que les liaisons de Bérénice, et celles d’Agrippa son fils avec cette dame, et les bons offices qu’elle rendit à Agrippa, la firent connaître dans la Judée, et obligèrent l’historien juif à s’informer exactement de ce qui la concernait. Croyons donc, sur son témoignage, qu’aussitôt qu’Antonia eut été bien informée du complot de Séjan, elle en écrivit exactement les circonstances à Tibère, qui était dans l’île de Caprée, où elle lui dépêcha le plus fidèle de ses domestiques, chargé de sa lettre. La considération que ce prince avait toujours eue pour cette dame devint plus forte depuis un service si important : Ὁ δὲ μαθὼν τόν τε Σηϊανὸν κτείνει, καὶ τοὺς συνεπιϐούλους· τήν τε Ἀντωνίαν, καὶ πρὶν ἀξιολόγως ἄγων, τιμιωτέραν τε ὑπελάμϐανε κἀπὶ τοῖς πᾶσι πιθανήν [4]. Quibus ille (Tiberius) cognitis Sejanum vccidit et socios con-

  1. Voyez les vers de la remarque (G).
  2. Valer. Maximus, lib. IV, cap. III.
  3. Joseph. Antiquit., lib. XVIII, cap. VIII, pag. 632, C.
  4. Idem, ibid.