Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
ANTONIA. ANTONIANO.

refus obligea Néron à faire revivre les procédures contre elle en particulier. En tout cas, sa viduité n’a point pu être fort longue, puisque Néron, qui la fit mourir, mourut en l’année 821. 3o. les auteurs cités par M. Moréri ne disent point que Néron contraignit Antonia de se tuer.

ANTONIA, sœur cadette de la précédente, tant du côté paternel que du côté maternel, ne saurait fournir qu’un petit article. Je ne trouve rien d’elle, sinon qu’elle fut femme de Lucius Domitius Ænobarbus, et que de ce mariage sortirent un fils et deux filles : le fils, nommé Cnéus Domitius, fut père de l’empereur Néron. Nous parlerons des filles sous le mot Domitia [* 1], et nous montrerons que M. Moréri s’est trompé quand il a dit que l’une d’elles épousa Galba.

  1. * Bayle n’y parle que de la fille de Corbulon.

ANTONIANO (Silvio), cardinal et savant homme, s’éleva de bien bas par son mérite ; car il était de vile naissance : et tant s’en faut que ceux à qui il devait la vie pussent le faire étudier, qu’ils avaient besoin eux-mêmes de la charité d’autrui. On a voulu dire qu’il était né hors de légitime mariage ; mais Joseph Castalion, qui a composé sa vie, a fait voir tout le contraire [a]. Quoi qu’il en soit, il naquit à Rome, l’an 1540 (A). Il fit des progrès si prompts et si surprenans dans les études, qu’on a de la peine à croire ce qui en a été publié. À l’âge de dix ans, il faisait des vers (B), sur quelque matière qu’on lui proposât, qui étaient si bons et si justes, quoique ce fussent des impromptu, qu’un habile homme n’aurait pu en composer de semblables qu’avec beaucoup de temps et beaucoup de peine. On en fit l’expérience à la table du cardinal de Pise, un jour qu’il traitait plusieurs cardinaux. Alexandre Farnèse, prenant un bouquet, le donna au jeune garçon, avec ordre de le présenter à celui de la troupe qui serait pape. Cet enfant le présenta au cardinal de Médicis, et fit son éloge en vers. Ce cardinal, qui quelques années après fut le pape Pie IV, s’imagina qu’on lui avait joué une pièce, et que c’était un poème que l’on avait préparé avec beaucoup d’art, afin de se moquer de lui : il en parut fort fâché ; mais on lui protesta avec serment que c’était un impromptu, et on le pria de mettre l’enfant à l’épreuve. Il le fit, et se convainquit du talent extraordinaire de ce garçon, qui expliqua sur le champ, en fort beaux vers, la matière qui lui avait été proposée (C). Le duc de Ferrare, venant à Rome pour féliciter Marcel II du pontificat, fut si charmé de l’esprit d’Antoniano, qu’il le voulut avoir à Ferrare (D), où il lui donna d’excellens maîtres pour l’instruire en toutes sortes de sciences. C’est de là qu’il fut tiré par Pie IV qui, se souvenant de l’aventure du bouquet, lorsqu’il se vit sur la chaire de saint Pierre, voulut savoir qu’était devenu le jeune poëte. L’ayant su, il le fit venir à Ro-

  1. Scripsit Sylvi card. Antoniani Vitam, que tum rationibus, tum publicarum tabularum testimoniis ab eorum calumniis vindicare conatus est, qui illum à parente minùs justâ uxore genitum asserebant. Nicius Erythræus, Pinacoth. I, pag. 167.