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ANTONIANO.

me, et lui donna un poste honorable dans son palais. Puis il le fit professeur aux belles-lettres dans le collége romain. Antoniano remplit cette charge avec une telle réputation, que le jour qu’il commença d’expliquer la harangue pro Marco Marcello, il eut pour auditeurs, non-seulement une grande foule de monde, mais aussi vingt-cinq cardinaux. Il devint ensuite recteur du même collége ; et, après la mort de Pie IV, l’esprit de dévotion l’ayant saisi, il s’attacha à Philippe Neri, et ne laissa pas d’accepter la charge de secrétaire du sacré collége, qui lui fut offerte par Pie V. Il l’exerça vingt-cinq ans, et y acquit la réputation d’un homme de bien, et d’un habile homme. Il refusa l’évêché que Grégoire XIV lui voulut donner, mais non pas le secrétariat des brefs, qui lui fut offert par Clément VIII, qui le fit aussi son camérier, et puis cardinal. On dit que le cardinal Alexandre de Montalte, qui avait été un peu trop fier à l’égard d’Antoniano, dit en le voyant promu à la pourpre, qu’à l’avenir il ne mépriserait jamais un homme à soutane et à petit collet, quelque bas et quelque rampant qu’il le vît, puisqu’il pouvait arriver que celui qu’il mépriserait devînt non-seulement son égal, mais aussi son maître. Antoniano se tua à force de travailler : il passait des nuits entières à faire des lettres, ce qui lui causa une maladie, dont il mourut à l’âge de soixante-trois ans. Il écrivait avec une si grande facilité, qu’il ne faisait aucune rature ; et l’on dit qu’il conserva toute sa vie la fleur de virginité [a]. Voyez dans l’une de nos remarques ce qui concerne ses ouvrages (E).

Le cardinal Bentivoglio me va fournir un bon supplément de cet article (F). Je trouve qu’Antoniano fut l’un des tenans dans la dispute qui s’éleva sur la préséance des patriarches (G).

  1. Ex Jano Nicio Erythræo, Pinacoth. I, pag. 36.

(A) Il naquit à Rome, l’an 1540. ] Nicius Erythréus le fait naître à Rome : Romæ, humili loco... ortus [1] ; mais le Toppi le fait natif de Castelli, dans l’Abruzze, et rapporte une inscription faite par Mutius Panza, où on le fait ex Castellorum oppido oriundus [2]. Cela pourrait signifier seulement que son père était de ce lieu. Quoi qu’il en soit, je recueille qu’il est né l’an 1540, de ce que, selon le père Oldoïni, il mourut le 16 d’août 1603, à l’âge de soixante-trois ans [3]. Nicius Erythréus ne marque point en quelle année du siècle il décéda ; mais seulement, que ce fut dans son année climactérique de soixante-trois ans. M. De la Rochepozai, dans son Nomenclator Cardinalium, met sa mort au 16 d’août 1604. J’ai mieux aimé suivre le père Oldoïni.

(B) À l’âge de dix ans, il faisait des vers. ] Le père Strada, qui a inséré dans l’une de ses harangues, avec beaucoup de politesse, la narration de cette aventure, dit qu’Antoniano n’avait pas encore douze ans accomplis [4].

(C) Il fit... des vers sur-le-champ, sur la matière qui lui avait été proposée. ] Le père Strada nous apprend que, comme le cardinal de Médicis cherchait un sujet à proposer au jeune garçon, l’horloge qui était dans la salle vint à sonner : cela fut cause qu’il donna des vers à faire sur une horloge. Cet auteur rapporte ceux qu’il suppose qu’Antoniano fit sur-le-

  1. Nicius Erythræus, Pinacoth. I, pag. 36.
  2. Toppi, Biblioth. Napolet., pag. 283.
  3. Oldoïni Athen. Romanum, pag. 605.
  4. Fam. Strada, Prolus. Acad. III, lib. II.